ANDR GIDE
"Conversation avec un Allemand" (1904)

Édition éléctronique d'après le texte établi par Claude Martin
dans le Bulletin des amis d'André Gide d'octobre 1976
Voyez: ENGLISH  VERSION


L'Étrange Allemand de 1904 [gd]

Texte original de la Conversation avec FPG
(publié d'abord dans la NRF en 1919 & dans Incidences en 1924)

Édition introduite, établie d'après les sources, et annotée de 106 notes
par Claude Martin
[inclu: deux lettres du 7.6.1904 & du 17.10.1904 de Felix Paul Greve
BAAG, no 32, Octobre 1976, 23-41


Édition électronique, traduction anglaise, et notes
sur FPG (Greve/Grove) et Else von Freytag-Loringhoven (FrL)
[notamment, le *** paragraphe *** sur FrL et les activités de "Fanny Essler"]
par Gaby Divay
Archives & Special Collections, University of Manitoba, © 2001


Introduction / par Claude Martin
BAAG no 32, Octobre 1976, 23-24, et notes i-v

Nos lecteurs se rappellent l'article de notre ami Basil D. KINGSTONE (professeur à l'Université de Windsor, Ontario, Canada), publié dans le BAAG no. 25 (janvier 1975), qui leur présentait les résultats des longues recherches menées par son collègue de Queen's University (Kingston, Ontario, Canada) le professeur Douglas O. SPETTIGUE (i) sur le mystérieux "F.P.G." aux deux existences vécues sous les noms de Felix Paul Greve, puis de Frederick Philip Grove ... L'étrange personnage, avec qui Gide avait eu une mémorable entrevue en juin 1904 à Paris et qui fut son traducteur en allemand, continue à fasciner plusieurs chercheurs, dont le Dr. Desmond PACEY (ii) de l'Université du Nouveaux-Brunswick à Fredericton (Canada), qui travaille depuis plusieurs années à une édition de la correspondance de F.P.G.

Nous sommes en mesure de verser aujourd'hui une nouvelle pièce à ce dossier. Il s'agit d'un texte de Gide relatant sa "Rencontre avec Felix Paul Greve," le 2 juin 1904 à Paris ; récit qui, n'était sa longeur, eût pu prendre place dans le Journal, et dont Gide, quinze ans après, publia une version remaniée et sensiblement abrégée sous le titre "Conversation avec un Allemand quelques années avant la guerre," (iii) où étaient notamment gommés ou masqués les principaux détails qui eussent permis l'identification de "l'Allemand."[gd]

Gide avait conservé deux manucrits de ce récit, le sécond (15 ff. 21.5 x 17 cm, papier à filigrane Polleri) étant manifestement une mise au net du premier qui comporte de nombreuses ratures (12 ff. de formats divers, avec de nombreux béquets). Curieusement, c'est celui-ci, le plus ancien, qui a servi pour la publication de 1919;(iv) le second texte, que nous publions ci-après, est donc à la fois la version primitive (et intégrale) de la "Rencontre", antérieure aux corrections de 1919, et une version postérieure (plus "achevée") au texte dont Gide s'est servi pour la publication.

Nous signalons en note les principales variantes de ce manuscrit par rapport au texte d'Incidences. La plupart concernent naturellement le style. Mais trois sont particulièrement importantes: ce sont les suppressions opérées par Gide -- du début et de la fin (voir nos notes "9" et "96"), et d'un passage particulier (voir note "91").

On verra qu'à la fin de sa relation Gide avait d'abord prévu de donner le texte intégral d'une lettre de Greve ; à celle-ci, nous en joignons une autre, postérieure de quelques mois et que Gide avait soigneusement conservée. Ces deux documents éclairent d'une curieuse lumière le personnage et aident peut-être à faire briller "cette petite lueur", devait un jour dire André Breton à Gide, "que vous avez seulement fait apparaître une fois ou deux, j'entends dans les regards de Lafcadio et d'un Allemand." [v]
            [Claude Martin]

Les impressions d'André Gide
de sa rencontre avec Felix Paul Greve en 1904

Préambule / par André Gide
BAAG no 32, Octobre 1976, 25-26, et notes 1-9
Jeudi, 2 juin 1904
Rencontre avec Félix-Paul Grève

Pour préciser mes souvenirs, je note ici que se fut lors d'un court passage à Paris, où j'étais venu pour examiner avec Théo [1] et Bonnier [2] les plans de ma future maison. Le premier soir, ayant travaillé avec Théo jusqu'à minuit, je n'avais, ensuite, pu dormir, dans une détestable chambre du Terminus, dévoré de moustiques. J'avais quitté Cuverville fourbu ; je me suis pourtant levé dispos ce matin-là. Fait des courses, déjeuné chez Théo.
Vers la fin du jour je bâcle mes services de presse dans les bureaux du Mercure; [3] j' en sors excédé pour courir chez les Charles Gide, avec qui je dîne. Sitôt après le dîner, mon oncle sort, appelé par un congrès. Je dépose quelques paquets au Terminus, et, désireux de me préparer une bonne nuit, je décide de marcher jusqu'à 11 heures. J'ai rendez-vous avec Bonnier à 8 h 1/2 du matin.
Une affiche m'apprend que c'est le dernier soir de Amoureuse. [4] Je viens de lire la pièce. Je ne l'aime pas, mais elle m'intéresse assez pour que j'en puisse supporter, malgré ma fatigue, un ou deux actes ; je désire savoir ce qu'en font Brandès et Guitry. Je gagne donc à pied la Renaissance, par les boulevards pluvieux et mornes. Salle comble ; chaleur telle que je redescends aussitôt ; veux ressortir ; impossible de faire reprendre mon billet. Je suffoque deux actes durant.
La pièce gagne en vigueur ce qu'elle perd en souplesse, délicatesse et duplicité. Si je ne le notais ici, dans trois ans j'oublierais l'avoir entendue. C'est la faute de Porto-Riche. Il n'y a pas là cette "formidable érosion des contours" dont parle Nietzsche. [5] Tant pis.
Rentré, je cherche en vain le sommeil. Je ne regrette pourtant pas trop d'être rentré tout droit comme un sage... Vers 1 heure, on frappe à ma porte. Je me lève, accueillant d'avance n'importe quelle aventure... C'est Ghéon. Par hazard il vient à Paris, dîne chez Ducoté, [6] va réveiller les Van Rysselberghe, apprend par eux que je suis à Paris, court aussitôt pour me réveiller à mon tour. Son train part à 5 h 1/2. [7] Je me rhabille, descends avec lui ; nous causons bien et très gaîment. À 3 heures, quand nous sortons de la Grande Taverne où nous a menés René de Breuil, [8] le jour se lève. Il fait gris, froid ; sur les boulevards tombe une petite pluie qui transit. À 5 heures Ghéon me quitte. Je tâche de dormir jusquà 7. Je retrouve Théo chez Bonnier, puis tous deux allons voir l'exposition Sickert. Puis je rente à l'hôtel où doit m'attendre Félix-Paul Grève. [9]

La rencontre avec Felix Paul Greve / par André Gide
BAAG no 32, Octobre 1976, 26-37, et notes 10-96

Dans le hall de l'hôtel, où j'arrive exact, Grève m'attendait depuis une demi-heure déjà, assis en face de la porte, tenant ostensiblement dans la main, pour m'aider à le reconnaître, l'enveloppe du message par lequel je lui avais donné rendez-vous. Je m'avançais incertain dans le hall ; j'aperçus cette figure glabre, comme passée au chlore, ce corps trop long, pour qui tous les sièges sont bas, et souhaitai ardemment que ce fût Greve ; c'était lui. [10]

Trouvant plus simple de déjeuner aussitôt, je l'emmène au restaurant de l'hôtel ; pendant le début du repas, nous parlons de ses deux brochures sur Wilde et je lui raconte à ce sujet quelques anecdotes qu'il ne connaissait pas encore. [11] La conversation s'anime peu à peu ; pourtant il parle avec une extrême lenteur, cherchant ses mots, ou même ses idées ; mais très correctement, sans accent. [12] Il sort de prison, je le sais, mais il croit que je n'en sait rien ; il cache admirablement une légère inquiétude lorsqu'il apprend que Vollmoeller [13] m'a parlé de lui. Il retourne à Bonn le soir même ; il vient donc à Paris tout uniquement pour me voir. Toute ma fatuité n'empêche pas que j'admire et m'étonne: [14]

"Qu'est-ce qui vous a fait désirer me connaître?"

"Brusquement", répond-il, "quand, lisant votre Immoraliste, je suis arrivé au passage où Moktir vole une paire de ciseaux, et où Michel, qui l'a vu faire, sourit."

Un grand silence ; puis, très lentement:

"Monsieur Gide ... est-ce que vous savez que je sors de prison?"

À voix très basse et posant ma main sur la sienne:

"Oui, je le sais."

Au contact de ma main, [15] il semble s'exalter un peu ; d'une voix à peine un peu plus chaude:

"Mais vous savez que j'en suis sorti seulement depuis quatre jours?... et que j'y suis resté quatorze mois..."

"Je croyais trois mois seulement."

"Depuis ces quatre jours je n'ai pas encore dormi."

"Vous semblez extraordinairement fatigué."

"Ces derniers temps de prison je ne pouvais presque plus manger... par contraction nerveuse ; et, tenez, mon menton... à ma sortie de prison ma femme m'attendait ; pendant une demi-heure je suis resté sans pouvoir lui parler, contracté, sans pouvoir articuler une parole."

(La fatigue et la surtension de ses traits sont presque pénibles à voir, et le titillement [16] de ses muscles.)

"Mais à présent j'ai surtout besoin de parler. En Allemegne je ne peux plus parler à personne. C'est à vous que j'ai besoin de parler ; à ma femme. ça n'est pas la même chose ; quand je lui ai dit mon intention d'aller vous voir, elle m'a approuvé ; elle m'a tout de suite dit que je devais partir. Je serais même venu plus tôt, mais avant de partir, j'ai voulu essayer de parler... de m'expliquer avec l'ami qui... avec celui, enfin..."

"Celui qui vous a fait condamner."

"Oui, n'est -ce pas? Je savais bien que, si je lui avais demandé cette somme, il me l'aurait donnée tout de suite ; mais... il n'a pas compris pourquoi j'avais agi ainsi... je voulais lui expliquer... oh! non pas pourquoi je... mais qu'il n'aurait pas dû exiger cette condamnation...parce que, en cinq ans je sais que je pourrai [17] payer toute ma dette ; mais, à condition qu'on me laisse de quoi vivre d'ici là."

"Et qu'a-t-il répondu?"

"Il a sonné son domestique pour me faire mettre à la porte."

Un silence ; il reprend, avec un peu plus d'animation:

" [18] Je suis forcé maintenant de faire paraître mes livres sous la signature de ma femme. Ou sous des noms d'emprunt : ils ont mis interdiction sur tout ce qui pourrait me rapporter... Oui, en cinq ans, je sais que je pourrais payer toute la somme, rien qu'avec mes traductions et mes livres. Je suis un terrible travailleur. En prison, [19] j'ai traduit quarante volumes : toute la correspondance de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, tout Wells, quatre volumes de Meredith, trois de Quincey, les deux vôtres, enfin [20] ..."

"Comment! vous les avez déjà traduits?"

"Complètement. Ma femme, qui ne sait pas le français, [21] les lit à présent... J'ai toujours eu une énorme puissance de travail. À seize ans j'ai perdu mon pere ; c'était un très riche industriel du Mecklembourg qui, l'année de sa mort, se ruina complètement ; ma mère et mes trois soeurs n'eurent pour vivre que l'argent que je gagnais avec mes leçons. Il faut vous dire qu'à seize ans j'avais exactement le même aspect physique qu'à présent (cela n'est pas beaucoup dire, car aujourd'hui, à vingt-six ans, il en paraît à peine vingt-deux). Les parents de mes élèvent ne savaient pas, ne soupçonnaient pas mon âge. Des leçons de grec, de latin, de français, d'italien, [22] d'anglais ; j'ai donné jusqu'à quatre-vingts leçons par semaine. Ajoutez que je ne savais ni latin, ni grec ; latin et grec, j'ai dû l' [23] apprendre tout en donnant mes leçons ; je suis, pour le latin et le grec, un... comment dites-vous?... un autodidacte, n'est-ce pas?"

"Vous avez trois soeurs?"

"J'avais neuf soeurs ; et je les ai toutes perdues. [24] Toutes sont mortes de... (Il cherche, et dit en allemand Eklampseien). Moi je suis le dixième enfant. Le Docteur X..., qui est très célèbre en Allemagne, prétend que si j'ai réchappé, c'est que seul je n'ai pas été nourri par ma mère.  Cela ne vous ennuie pas que je vous parle ainsi de ma famille?... Oui, ma mère a vu mourir ses neuf filles... ou du moins... je lui ai caché la mort de la dernière, qui était mariée en Amérique ; ma mère était à ce moment très malade elle-même, et je l'ai perdue quelques semaines après. [25] "

"Vous aviez quel âge?"

"Dix-huit ans."

"De sorte qu'à présent vous êtes seul?"

Il répète distraitement: [26] "Oui, seul", puis reprend:

"Ma mère était une femme admirable. Tout ce qu'il y a de bon sur la terre, oui, de grandement bon, elle l'avait. Je ne peux penser à elle sans larmes. (Je le regarde machinalement ; ses yeux sont parfaitement secs). À son lit de mort elle m'a dit: 'Ah! Kind ; dass du stolz bleibe', (gd) puis elle s'est tournée vers une amie qui l'assistait et lui a murmuré: 'Ich fürchte es gehe schlecht mit ihm." [27] (gd)

"Est-ce que quelque chose pouvait lui faire pressentir...?"

"Rien encore."

Un long silence ; puis:

"Il faut que je vous avertisse, Monsieur Gide, d'une particularité de ma nature ; c'est que je mens constamment". [28]

"De cela aussi Vollmoeller [29] m'avait averti," lui dis-je.

"Oui... mais il n'a jamais compris la valeur de mes mensonges. Je voudrais vous expliquer [30] ... ce n'est pas ce que vous croyez... J'éprouve le même besoin de mentir, la même satisfaction à mentir que d'autres [31] à montrer la vérité... [32] Tenez, par exemple: quand quelqu'un entend un bruit subit à son côté, il tourne brusquement [33] la tête. (Il me saisit le bras). Moi pas! ou quand je tourne la tête, [34] c'est volontairement: je mens."

"Quand avez-vous commencé à mentir?"

"Sitôt après la mort de ma mère."

Un silence.

"C'est le mensonge qui attache à moi ma femme : c'est mon extraordinaire faculté de mentir.  Sitôt qu'elle [35] l'a sentie elle a quitté pour moi son mari, ses enfants;[36] elle a tout quitté pour me suivre. J'ai d'abord voulu l'abandonner ; puis j'ai compris que, de mon côté aussi, [37] je ne pouvais pas me passer d'elle. C'est surtout vis-à-vis d'elle que je mens. [38]
Parfois cela amène entre nous des scènes terribles ; mais c'est toujours le mensonge à la fin qui est le plus fort... Ce soir je pars la rejoindre ; nous devons nous marier dans deux mois. D'ici là nous allons vivre en Suisse ; en rentrant je vends tout ce que j'ai et tous deux nous commençons à vivre à 100 f[rancs] par mois." [39]

Le déjeuner est fini. Il m'offre une cigarette d'orient dans un étui d'argent, le plus élégant que j'aie jamais vu, net et parfait comme une coquille bivalve. [40] J'admire aussi une boîte d'allumettes également en argent. [41] Les moindres objets qu'il porte sur lui [42] sont d'un goût parfait, d'une élégance sobre et cachée.

"Oui", dit-il, "j'aime passionnément l'élégance ; mais tout cela va être vendu." [43]

Nous nous levons de table.

"À quelle heure est votre train?"

"À onze heures; [44] c'est le seul qui ait des troisièmes."

(Je garde quelque vague crainte qu'il ne soit venu pour me taper). [45]

"Avez-vous quelqu'un à voir, quelque chose à faire, à Paris?"

"Non ; rien. Je suis venu uniquement pour vous parler." [46]

Craignant pourtant que la journée ne nous [47] soit longue, je lui demande si cela ne l'intéresserait pas de voir un peu de peinture.

"Oh!", me dit-il, "non ; pas encore. Tenez : si vous voulez me faire plaisir, emmenez-moi aux Champs-Élysées."

Une voiture nous conduit [48] au Bois, par [49] le Parc Monceau.

En déjeunant, je le voyais de face ; je remarque, assis [50] à côté de lui, qu'il est très différent, vu de profil. [51] De face il vous séduit par un sourire [52] presque enfantin ; de profil, l'expression de son menton inquiète. Nous reparlons de sa prison.

"Elle a eu ceci de bon", me dit-il, "qu'elle a complètement supprimé en moi [53] tout remords, tout scrupule..."

"Et maintenant que la société vous a frappé, vous vous sentez contre elle tous les droits..." [54]

"Oui ; tous les droits."

"Lutter contre la société, cela est passionnant ; mais vous serez vaincu." [55]

"Non. Je me sens [56] terriblement fort."

Il dit cela sans forfanterie aucune, avec une simple conviction. [57] Désireux de me mettre plus en garde [58] et profitant de l'instant [59] où il affirme son amour de l'opulence:

"Pour moi [60] , je vous l'avoue", riposté [61] -je, "je ne l'aime que chez les autres. [62] Je voudrais avoir connu Byron; je ne voudrais pas être Byron." [63]

Je sens qu'il m'écoute un peu moins. Je veux le ressaisir et reparle de ses écrits. [64]

"C'est par là", reprends-je, [65] "que m'a tant intéressé votre première plaquette; [66] elle tombait en moi, du reste, précisément à une époque critique [67] ... Je crois très juste la manière dont, parlant de Wilde, vous avez posé vie et art en antagonisme et montré que..." [68]

" [69] Et moi je trouve cela très faux. [70] Oui, si vous voulez: [71] oui, il est dangereux pour l'artiste de chercher à "vivre" ; mais moi je ne suis pas un artiste; [72] l'œuvre d'art n'est pour moi qu'un pis aller ; c'est le besoin d'argent qui me fait écrire; [73] me sentir étendre mon bras (il étend son bras en un geste admirable) me donne plus de joie que d'écrire le plus beau vers. Vous mentiez donc, en écrivant vos Nourritures? En écrivant ma brochure sur Wilde, je mentais. L'action, c'est cela que je veux; intense; oui, intense... jusqu'au meurtre." [74]

Long silence.

"Non", dis-je enfin, pour reprendre position; [75] "l'action ne m'intéresse point tant par la sensation qu'elle me [76] donne, que par ses suites, son retentissement. Voilà pourquoi, pour passionnément qu'elle m'intéresse, elle m'intéresse davantage encore commise par un autre [77] . J'ai peur -- comprenez-moi -- j'ai peur [78] de m'y compromettre ; je veux dire de limiter, par ce que je fais, ce que je pourrais faire. Penser [79] que, parce que j'ai fait ceci, je ne pourrai plus faire cela, voilà qui me [80] devient intolérable. J'aime mieux faire agir, que d'agir."

"Jamais quelqu'un d'autre que vous n'agira comme vous eussiez agi; [81] c'est dans l'action que chacun est le plus irremplaçable." [82]

Un long silence encore... [83]

"Monsieur Gide, je voudrais vous dire encore quelque chose... je ne sais comment m'exprimer ..." [84]

"Dites-le en allemand."

"En allemand je ne le dirais pas mieux. Il faut que vous compreniez qu'en allemand je ne parle pas plus vite ; je ne veux plus parler vite, à présent.[85] Depuis longtemps je cherche les paroles. Non ; je suis trop nerveux encore. Je ne peux pas. J'ai comme un poids sur la tête, et mon corps ne me fait plus l'effet d'être à moi. Sitôt hors de prison je vous ai écrit une longue lettre... mais avant de vous l'envoyer, je voulais... vous voir." [86]

"Est-ce moi qui suis cause, à prèsent, que vous ne pouvez pas [87] me parler?"

"Non... mais [88] aujourd'hui, c'est inutile ; je ne pourrai plus rien vous dire." [89]

Trompé par ses réticences et [90] et pour avoir le coeur net, brusquement:

"Êtes-vous pédéraste?"

"Absolument pas." [91]

La voiture rentre dans Paris:

"Où doit-il nous conduire?" [92]

"Puis-je vous demander un service... d'ordre tout pratique?"

Il semble extrêmement hésitant et je commence à me sentir quelque inquiétude à la bourse. [93]

"Savez-vous où je puis acheter [94] du henné?"

Je le mène chez Philippe, le coiffeur de la rue St-Honoré. [95] Et là je prends assez brusquement congé de lui, ne connaissant rien de plus gênant que les adieux à quelqu'un qui vient de Cologne exprès pour vous voir, lorsqu'il est 4 heures à peine et que son train ne part qu'a 11 h[eures]. [96]

Épilogue par André Gide
BAAG no 32, Octobre 1976, 37 + note 97

"Quelques jours après mon retour ici, je reçois de lui cette lettre:" [97]

La première lettre de Felix Paul Greve à Gide
(Juin 7, 1904)
BAAG no 32, Octobre 1976, 37-38, et notes 98-105

Cher Monsieur,
Quand nous nous séparions à Paris, je n'ai pu vous remercier comme je l'aurais voulu. Je ne vous envoie pas encore la lettre promise, mais ce qu'il me faut dire c'est que le 2 juin a été un événement dans ma vie.

Permettez-moi de vous dire encore une chose.

L'influence: c'est bien ça, ce que je souhaite, et si je vous ai bien compris, c'est aussi ce que vous souhaitez. Mais moi -- bien entendu, ce n'est pas là ce que j'ai tant souhaité pouvoir exprimer pendant notre promenade, et ce que je ne puis même pas encore vous dire -- moi, je crois à l'influence de la vie. Je crois l'influence de la vie bien [98] supérieure à celle de la littérature. César a été un démoralisateur plus grand que Nietzsche et Wilde. Ce qu'il y a de plus immoral, c'est le pouvoir. Moi, j'ai le pouvoir. La richesse serait une arme admirable. Maintenant il me faut forger une arme de la littérature. Mais le but -- c'est la vie. Je ne suis pas artiste. Je ne pourrai jamais vivre qu'une vie très dangereuse. Mais je compte triompher. Il ne faut pas m'en vouloir si toujours je vous parle en adversaire. Je suis tellement jeune encore (j'ai 25 ans) que ce m'est [99] une nécessité de contredire, et que je ne trouve ma vérité qu'en contredisant.

Je ne sais pas encore comment je vivrai pendant l'été. Je vous donnerai mon adresse dès que je la saurai [100] moi-même. Pour quinze jours encore les lettres, etc., me parviendront par l'adresse suscrite. [101] Je partirai pour Londres jeudi et compte [102] être de retour à Cologne le 7. [103]

L'éditeur pour L'Immoraliste [104] est trouvé. Je garde le manuscrit encore et je vous écrirai avant d'entrer dans des négociations définitives.

   Croyez-moi, Monsieur, très cordialement votre
            F. P. G.
                 Cologne [105]
Bref commentaire / par Claude Martin
(BAAG no 32, Octobre 1976, 39)
Il ne semble pas que Gide ait jamais reçu la "lettre promise." Mais, quatre mois plus tard, Greve lui écrivait à nouveau longuement:

La deuxième des lettres de Felix Paul Greve à Gide
Octobre 17, 1904
BAAG no 32, Octobre 1976, 39-41, et note 106)

Wollerau, Canton de Schwyz, 17.X.04 [106]

Cher Monsieur Gide,

Mille excuses, si je ne vous ai pas écrit plus tôt, j'en ai eu depuis longtemps des remords. Écoutez ce que j'ai fait cet été, et vous me pardonnerez, j'en suis sûr d'avance.

1) J'ai donné aux Allemands des traductions misérables des oeuvres suivantes: Wells, Time Machine, The Island of  Dr. Moreau, The Food of the Gods (Bruns); Wilde, Apologie (Bruns); Meredith, The Egoist, Henry Richmond, (Bruns); Flaubert, Correspondance (4 vol.), Par les champs et par les grèves (Bruns); Galiani, Correspondance (2 vol.) (Insel); Swinburne, Mary Stuart (trag. en 5 actes) (Insel); Phaedra (fragment) et plusieurs poèmes (Freistatt gd ); Browning, deux poèmes d'environ 500 vers (Freistatt gd ).

2) J'ai écrit trois essais de la dernière importance, mais comme on en veut en Allemagne (sur Meredith, Flaubert, et la technique du vers allemand), dont l'un a paru, les deux autres apparaîtront prochainement.

3) J'ai fais quantité de vers moi-même et introduit une dame (poète) dans la littérature allemande: proplème dont la solution suivra plus tard.

4) J'ai écrit une farce satirique, dont personne ne veut à cause du ridicule versé sur le gouvernement bavarois et l'administration des musées et des prisons.

5) Je prépare un livre formidable, qui me fera haïr par tous les artistes de l'Allemagne (par vous aussi? car je vous compte parmi mes lecteurs quand je paraîtrai enfin avec quelque chose de sérieux) à cause du mal que j'y dis des artistes et de l'art! Ce livre aura pour titre Kunst und Künstler. Il faut qu'il soit bien écrit, très bien écrit, voilà la difficulté. Jusqu'à présent je n'ai fait qu'amasser des notes.

6) J'ai lu les épreuves d'une demi-douzaine de livres sous presse.

Tout cela en quatre mois ; c'est vous dire que pas une seule nuit je n'ai dormi plus de  trois heures. Dix heures par jour j'ai dicté. Ai-je mon pardon? Le résultat?... j'ai encaissé environ 4000 frs. Voilà! En Allemagne on croit qu'il ne faut pas payer trop à un homme qui... etc.! Qu'importe! Je forcerai me bonhommes. D'abord il faut inonder le marché de mon nom. C'est ce que je fais. Cependant j'avouerai que toujours la plupart de mes traductions sont supérieures à la plupart des autres qui paraissent: ce dont j'ai des témoins. Et encore j'en fais quelquefois de bonnes, de très bonnes, (voyez celle de l'Apologie de Wilde, que je vous enverrai).

Maintenant causons. D'abord les affaires. Il me semble définitivement que M. de Poellnitz (Insel) est rétif. Il m'a réitéré qu'il trouve le style de votre livre brillant, mais le sujet 'trop pénible' pour pouvoir le publier. Or ma question: est-ce que vous m'autorisez de conclure avec M. Bruns? M. Diederichs m'a déclaré ne plus vouloir imprimer de traductions. De plus je suis fâché avec S. Fischer à Berlin, qui m'a offensé tellement que je lui intenterai un procès. Il me semble qu'il ne reste que M. Bruns; et je crois qu'il me sera facile de l'intéresser suffisamment, pour qu'il imprime sans retard. Un mot de vous (carte ou télégramme) -- et je rouvre les pourparlers avec lui.

Le passage suivant dans la lettre de Greve du 17 octobre 1904 a une signification particulière pour plusieurs projets concernant sa compagne Else née Ploetz, divorcée Endell, abandonnée Greve, & plus tard bien connue comme Baroness von Freytag-Loringhoven dans les cercles dada à New York [gd, 9.2.2006]:
"Et de moi-même. Il me faut travailler d'une façon bien singulière. Je ne suis plus qu'une personne: j'en sommes trois: je suis 1) M. Felix Paul Greve; 2) Mme Else Greve; 3) Mme Fanny Essler.
La dernière, dont je vous enverrai prochainement les poèmes, et dont les poèmes - encore un secret --sont adressés à moi, est un poète déjà assez considéré dans certaines parties de l'Allemagne. Jusqu'à présent elle n'a publié que des vers. Mais moi, F. P. Greve, son patron et introducteur, prépare la publication de deux romans, qu'elle a écrits dans la prison de Bonn sur Rhin (une prison que moi, F. P. Greve, j'ai pris l'habitude d'appeler 'la villa').
Tout cela, bien entendu, sous le sceau de la confession, s'il vous plaît. Personne ne se doute de cet état de choses. En outre, la traduction de la Correspondance de Flaubert paraît avec le nom de Mme Else Greve figurant sur le frontispice, mais malheureusement, la seule langue que Mme Greve connaisse, c'est l'italien, par conséquent moi, F. P. Greve, j'ai dû faire sa traduction pendant les nuits d'été.
Pour pousser la farce à l'outrance, je publierai dans quelques semaines un grand article sur le grand poète "Fanny Essler," et l'un des romans de Mme Essler, qui paraîtra sans nom d'auteur, et que M. l'éditeur croit une autobiographie, aura pour titre: Fanny Essler.
Vous croirez facilement qu'avec un travail si compliqué j'ai passé un été assez gai. Je regrette à peu près de vous avoir initié."

Je passerai tout l'hiver ici -- par raisons d'économie (pour avoir au printemps les quelque mille francs dont j'ai besoin pour passer quatre ou six semaines à Paris). J'ai toujours le brouillon d'une lettre adressée à vous dans un tiroir de mon bureau, mais je ne trouve pas le temps de le recopier -- il faut que vous attendiez encore.<

Qu'est-ce que vous devenez? Qu'est-ce que vous faites?

Faites-moi le plaisir de m'écrire longuement! et croyez toujours que je suis avec la plus haute considération et admiration tout à vous

      Felix P. Greve

Notes

[gd] Puisque Claude Martin expliquera dans la première phrase de son introduction la signification de la parenthèse disant "suite" à cet endroit, nous l'avons omise. Elle faisait référence à un article dans le numéro 25 du Bulletin des amis d'André Gide (janvier 1975), au sujèt de l' "Allemand" dans la "Conversation" de Gide en 1904 -- c'était en fait FPG, connu comme Felix Paul Greve en Europe avant son "suicide" en 1909, puis comme Frederick Philip Grove au Canada après 1912.
Les collections de manuscrits les plus compréhensives par et sur FPG se trouvent dans les Archives de l'Université du Manitoba (UMA) à Winnipeg. --
Les trois photos viennent: du Deutsches Literaturarchiv , Marbach, Fonds Wolfskehl ; des Archives de documents et photos Gidiana Archives en États Unis, crées et maintenus par Todd Sanders, Pittsburgh ; et des Archives de l'Université du Manitoba FPG (Greve/Grove) Collections .
Ce "Solar Grove" au milieu fut inventée en 1996 pour une brochure grise -- pliée deux fois en sens horizontal -- sur les collections FPG dans les UM Archives. Il était basé sur une photo de FPG à Ashfield, Manitoba, en 1921 (©Campbell/Divay, 1996). Adaptée par un effet dit"solarisé," elle rapelle les "rayo-gravures" du photographe et artiste doué Man Ray dans les années vingts.
Depuis la mise en ligne du site FPG à l'UMA en 1998, elle a ornée preque toutes les pages www produites là-dessus.

[i] Douglas O. SPETTIGUE, Frederick Philip Grove (Toronto : Copp Clark, 1969) ; F.P.G. : The European Years (Toronto [sic! for Ottawa] : Oberon Press, 1973).

[ii] Desmoind Pacey, Frederick Philip Grove (Toronto : Ryerson, 1970) ; "In Search of Grove in Sweden" (Journal of Canadian Fiction, no. 1, hiver 1972, pp. 69-73).

[iii] "Journal sans dates" publié dans La N.R.F. no 71 du 1er août 1919, pp. 415-23, recueilli en 1924 dans Incidences, (pp. 135-45).

[gd] Notre copie de la "Conversation" dans Incidences suit une pagination légèrement différente (pp. [139] -147). Le texte en semble un mélange de la version originale que Claude Martin présente ici, et celle utilisée pour la première édition publiée en 1919. Voici le paragraphe dont Gide se servait comme introduction dans notre copie: "Je voudrais que l'on ne se méprît pas sur le sentiment qui me fait donner ici ces notes. Je les crois d'un certain intérêt psychologique; mais, bien que quelques traits de la figure de B. R. accusent une inquiétante ressemblance avec ceux que certains nous baillent aujourd'hui pour les plus marquants de la race germanique, je doute qu'il soit prudent de s'attacher trop à leur valeur représentative. Libre au lecteur de généraliser; je n'ai fait ici, d'après nature, que le portrait d'un individu, à une époque où aucune des considérations ne pouvaient intervenir, qui risquent aujourd'hui de fausser un peu notre peinture. Je transcris ces notes, sans y rien changer, telles que je les pris en juin 1904 le lendemain du jour de cette unique rencontre." Puis le récit propre commence par "Dans le hall de l'hôtel, où j'arrive très exactement à l'heure dite, B. R. m'attendait depuis une demi-heure déjà; assis en face de la porte, ..."

[iv] Outre des indications à l'usage de l'imprimeur (par ex.: "rom. de 9"), il comporte des corrections qui le rendent conforme au texte publié dans La N. R. F.

[v] André BRETON, "André Gide nous parle de ses Morceaux choisis" (Littérature, 1er mars 1922, texte recueilli en 1924  dans Les Pas perdus).

[1] Théo Van Rysselberghe.

[2] L'architecte que Gide avait chargé de lui construire une vaste maison à Auteuil, Villa Montmorency.

[3] Il s'agit du "service" du volume réunissant Saül et Le Roi Candaule, paru au Mercure de France (ach. d'impr.: 14 avril 1904).

[4] Cette comédie en trois actes de Georges de Porto-Riche, créée à l'Odéon en 1891, avait été reprise au Vaudeville en 1896, 1898 et 1899, puis au Théâtre de la Renaissance le 28 avril 1904, où Lucien Guitry et Marthe Brandès tenaient les deux rôles principaux (Étienne et Germaine Fériaud, qu'avaient interprétés, à la création, Dumény et Réjane). Gide conservait dans sa bibliothèque un exemplaire d'Anatomie Sentimentale. Pages préférées (Ollendorf, s.d.), anthologie du théâtre de Porto-Riche composée par lui-même, exemplaire (non coupé) revêtu de l'envoi autographe suivant : Pour André Gide / Son admirateur et ami / G. de P.-Riche / 1920.

[5] Cf. Les Faux-Monnayeurs, II, iii, Pléiade, p. 1080.

[6] Le directeur de L'Ermitage (v. l'art. d'Henri Ghéon reproduit dans le BAAG no 31).

[7] Le train qui le remmène chez lui, à Bray-sur-Seine.

[8] Nous ignorons qui est ce personnage.

[9] Tout ce qui précède a été supprimé du texte de la "Conversation avec un Allemand quelques années avant la Guerre."

[10] Gide ajoute ici, dans la "Conversation":"Von M. n'avait pas exagéré son élégance. B. R. était parfaitement mis, paraissait plutôt Anglais qu'Allemand, et je ne m'étonnai point lorsque, un peu plus tard, il me dit que sa mère était Anglaise."

[11] Cette dernière phrase a été retranchée de la "Conversation."

[12] Gide ajoute ici, dans la "Conversation":"Vers la fin du jour il me dit: 'Monsieur Gide, il faut que vous compreniez qu'en allemand je ne parlerais pas plus vite. Je ne peux plus parler vite, à présent'."

[13] Dans la "Conversation", Gide a substitué à ce nom (cf. Journal 1889-1939, pp. 100, 146, 150) celui de "Von M."

[14] Cette dernière phrase a été supprimée dans la "Conversation."

[15] "Conversation":"Quand ma main touche la sienne."

[16] "Conversation": tremblement remplace titillement.

[17] "Conversation": "Je savais que je pourrais."

[18] Ici, un début de phrase biffé dans le manuscrit: "Oui, en cinq ans, je sais que je pourrais tout payer." Dans la "Conversation", cette réplique commence ainsi: "Oui, en cinq ans, je sais que j'aurais pu tout payer, avec mes traductions et mes livres ; mais ils ont mis interdiction sur tout ce qui pouvait me rapporter. Je suis forcé maintenant de faire paraître sous la signature de ma femme ou sous des noms d'emprunt. Je suis un terrible travailleur."

[19] "Conversation":"Savez-vous bien qu'en prison."

[20] Paludes (Die Sümpfe) et L'Immoraliste (Der Immoralist), tous deux publiés chez Bruns (Minden) en 1905.

[21] Ce membre de phrase ne figure pas dans la "Conversation."

[22] La mention de cette dernière langue est supprimée dans la "Conversation."

[23] "Conversation": les remplace l'.

[24] "Conversation":"J'en avais neuf, et je les ai perdues."

[25] "Conversation":"Et, quelques semaines plus tard, je l'ai perdue."

[26] "Conversation": machinalement remplace distraitement.

gd "...bleibe", et plus loin "...es gehe" sont des subjonctifs que l'on ne peut mettre en allemand dans ces contextes-là.

[27] Ces deux phrases sont traduites en notes par Gide, dans la "Conversation" publiée: "Enfant, puisses-tu rester fier" et "Je crains qu'il ne tourne mal."

gd La note 27 de Claude Martin explique pourquoi les deux phrases 'allemandes' en question sont fautives: la première devrait lire à-peu-près comme ça: 'Ach, Kind, bleibe stolz!', la deuxième a dû être quelque chose comme ceci: 'Ich fürchte, es wird schlecht ausgehen mit ihm.' Cependant, ni l'une, ni l'autre de ces deux phrases proposées ici sont tout-à-fait satisfaisantes non plus...

[28] "Conversation":"Il faut que je vous avertisse, Monsieur Gide, que je mens constamment."

[29] "Conversation":"Von M." (v. supra n. 10 et 13).

[30] "Conversation":"Je voudrais vous faire comprendre."

[31] "Conversation": qu'un autre remplace que d'autres.

[32] Ajouté ici dans la "Conversation":"Non, ce n'est pas ce que vous croyez..."

[33] Adverbe supprimé dans la "Conversation."

[34] "Conversation":"quand je la tourne."

[35] "Conversation":"Quand elle."

[36] "Conversation": son enfant remplace ses enfants.

[37] Ces quatre derniers mots ont été supprimés dans la "Conversation."

[38] "Conversation":"c'est avec elle que je mens le plus volontiers."

[39] "Conversation":"et tous deux nous vivons pour cent francs par moi [sic! pour mois]."

[40] "Conversation":"il m'offre une cigarette dans le plus élégant étui que j'aie vue."

[41] "Conversation":"une boîte d'allumettes, en argent ainsi que l'étui."

[42] Ces deux derniers mots sont supprimés dans la "Conversation."

[43] La "Conversation" ajoute ici: "Oh! les vêtements que j'ai sur moi ont été quatorze mois dans la valise ; il y paraît un peu..."

[44] "Conversation":"À minuit moins le quart."

[45] Fin de phrase biffée ici : "de la forte somme". Toute cette parenthèse a été supprimée dans la "Conversation."

[46] "Conversation": pour parler avec vous remplace pour vous parler.

[47] Ce nous est supprimé dans la "Conversation."

[48] "Conversation": mène remplace conduit.

[49] "Conversation": traversant remplace par.

[50] Le mot assis est supprimé dans la "Conversation."

[51] "Conversation":"combien ile est différent, de profil."

[52] "Conversation":"on est séduit par son sourire."

[53] "Conversation":"supprimé chez moi, complètement."

[54] "Conversation":"vous vous sentez des droits contre elle."

[55] Ces trois derniers mots remplacent "la société vous vaincra", qui a été biffé. Dans la "Conversation", Gide y substitue : "elle vous vaincra."

[56] "Conversation": Je suis remplace Je me sens.

[57] Gide a biffé ici une phrase : "Au moins," pensais-je, "s'il veut me taper, ma réponse est prête: Si je vous aidais, vous ne m'intéresseriez plus." Dans la "Conversation," il la rétablit, un peu modifiée : "Au moins," pensais-je, "en cas de demande d'argent (car je garde une vague crainte qu'il ne soit venu à Paris pour me taper), ma phrase est prête : Si je vous aidais, vous ne m'intéresseriez plus."

[58] "Conversation":"Mais pour me mettre mieux en garde."

[59] "Conversation": moment remplace instant.

[60] "Conversation":"Moi pas."

[61] "Conversation":"ripostai."

[62] "Conversation":"bien qu'elle ne me déplaise point chez les autres."

[63] "Conversation":"Je ne voudrais pas être Byron ; mais j'aimerais l'avoir connu..."

[64] "Conversation":"un peu moins, et pour le ressaisir:"

[65] Cette incide est supprimée dans la "Conversation."

[66] Gide ajoute ici, dans la "Conversation", cette parenthèse: "(sur Oscar Wilde)". Il s'agit de la plaquette de 46 pp., intitulée Oscar Wilde et publiée par Greve en 1903 (Berlin : Gose & Tetzlaff, "Moderne Essays" no 29). La même année, il avait fait paraître chez Bruns (Minden) un autre opuscule: Randarabesken zu Oscar Wilde.

[67] Cette phrase a été supprimée dans la "Conversation."

[68] À la place de cette phrase, on lit dans la "Conversation":"Je crois très juste l'antagonisme où vous placiez la vie et l'art..."

[69] Gide insère ici, dans la "Conversation":"Il m'interrompt."

[70] "Conversation":"Eh bien ; moi je ne trouve pas cela juste du tout."

[71] "Conversation":"Ou plutôt... si vous voulez..."

[72] Cette dernière phrase est, dans la "Conversation", remplacée par : "mais c'est précisément parce que, moi, je prétends vivre, que je dis que je ne suis pas un artiste."

[73] "Conversation":"C'est le besoin d'argent qui maintenant me fait écrire. L'oeuvre d'art n'est pour moi qu'un pis aller. Je préfère la vie". La réplique s'arrête ici.

[74] À la place de cette fin de réplique (depuis l'appel de note 73), on lit, dans la "Conversation":"Mais", dis-je, "dans votre brochure vous affirmiez précisément le contraire." -- "Oui. Je mentais. Mais vous, vous mentiez donc en écrivant les Nourritures... Tenez (et il étend le bras dans un geste admirable) de seulement étendre mon bras j'éprouve plus de joie qu'à écrire le plus beau livre du monde. L'action, c'est cela que je veux ; oui, l'action la plus intense... intense... jusqu'au meurtre..."

[75] "Conversation":désireux de bien prendre position remplace pour reprendre position.

[76] "Conversation":me est supprimé.

[77] "Conversation":"Voilà pourquoi, si elle m'intéresse passionnément, je crois qu'elle m'intéresse davantage encore commise par un autre."

[78] "Conversation":j'ai peur.

[79] "Conversation":"De penser."

[80] "Conversation":me est supprimé.

[81] Le texte de la "Conversation" ajoute ici : "vous-même."

[82] Cette dernière phrase est remplacée dans la "Conversation" par : "Cela n'est pas la même chose."

[83] Cette phrase est supprimée dans la "Conversation."

[84] "Conversation":"encore quelque chose. (Il hésite). Je ne trouve pas les mots."

[85] Cette dernière phrase (depuis "Il faut") est supprimée dans la "Conversation." V. supra note 12.

[86] Cette dernière phrase apparaît sous cette forme dans la "Conversation":"Je vous ai écrit, sitôt hors de prison, une longue lettre. Non, vous ne l'avez pas reçue. Avant de vous l'envoyer, je voulais... vous voir."

[87] "Conversation":pas est supprimé.

[88] "Conversation":mais est supprimé.

[89] "Conversation":pas vous le dire remplace plus rien vous dire.

[90] "Trompé par ses réticences et" remplace "Alors brusquement," que Gide a biffé. Le mot "brusquement" a été ajouté, visiblement, à la fin de la phrase.

[91] Ce passage (depuis l'appel de note 89) a été supprimé dans la "Conversation." Une petite feuille, conservée avec le manuscrit du texte complet de la "Rencontre", présente une autre rédaction (biffée) de ce passage : "Alors, devant sa gêne, me souvenant des vers de Calderon, dans Les Cheveux d'Absalon que précisément je venais de lire : Il faut donc que tu sois sodomite. / Je ne vois aucune autre raison qui oblige à un silence aussi absolu, me tournant vers lui, je lui demande brusquement: 'Seriez-vous pédéraste?' 'Absolument pas,' me répond-il aussitôt. Puis il retombe de nouveau dans le silence."

[92] "Conversation":"Où dois-je vous mener?"

[93] "Conversation":"et je recommence à penser : C'est le moment de la tape. Mais non ; simplement, il reprend :"

[94] "Conversation":trouver remplace acheter.

[95] "Conversation":"Nous passons rue Saint-Honoré. Je le mène chez le coiffeur Philippe."

[96] "Conversation":"Et là, je lui dis adieu brusquement, éprouvant qu'il est particulièrement difficile de prendre congé à 4 heures de quelqu'un qui vient de Cologne exprès pour vous voir, et dont le train ne part qu'à minuit." -- Ici se termine le texte de la "Conversation" publiée (dans La Nouvelle Revue Française, en 1919, et dans Incidences, en 1924, gd)

[97] Gide transcrit ici très exactement (sauf quelques menues modifications que nous signalons en notes) la lettre que Greve lui a adressée de Cologne, datée du 7 juin 1904 (enveloppe adressée à: M. André Gide / Château Cuverville / par Criquetot-l'Esneval / Seine Inférieure / Frankreich ; cachets postaux de Cöln, 7.6.04 et de Criquetot-l'Esneval, 8.6.04).

[98] Gide ajoute bien, qui ne se trouve pas dans le texte autographe de Greve.

[99] Greve avait écrit: qu'il m'est.

[100] Greve: dès que je la sais.

[101] Greve: pour quinze jours environ des lettres etc. me parviendront encore par l'adresse souscrite.

[102] Greve: et je compte.

[103] Greve: de retour à Cologne dans quinze jours. La correction de Gide reste assez énigmatique.

[104] Ce sera J.C.C. Bruns, de Minden, qui éditera la traduction de L'Immoraliste par Greve, en 1905.

[105] La lettre est signée Felix P. Greve; adresse et date suivent la signature: Köln a. Rh., / Albertusstr. 37 / 7.VI.04. Gide avait conservé sa réponse à cette lettre de Greve: brouillon? copie? lettre non envoyée? Nous l'ignorons, En voici le texte: "Cuverville / 11 juin / L'attente de votre lettre promise occupe mes journées. / Ne vous excusez pas de m'avoir contredit, lorsque, devant vous, viveur, je prenais position d'artiste. Si alors vous ne m'aviez pas 'parlé en adversaire', comme vous dites, comprenez donc que vous m'eussiez violemment déçu. / Votre écouteur passionné / André Gide."

[106] Lettre adressée à: Monsieur André Gide / Château Cuverville / par Criquetot-l'Esneval / Seine Inférieure / Frankreich. Cachets postaux de Wollerau, 18.10.04 et de Criquetot-l'Esneval, 19.10.04. En travers du début de sa lettre, Greve a écrit: "Excusez papier et enveloppe. Mon papier à lettre est épuisé. Je ne veux pas attendre jusqu'à ce que j'en ai de l'autre."

gd sic! pour Freistatt.

gd Nous avons corrigé l'erreur dans la ligne précédente (de "Freishatt" to "Freistatt").




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